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Le Pau Hunt 
La Chasse au Renard


///  Texte de Jean-Louis Maffre

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Le Pau Hunt

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Créé en 1840 et la guerre fut déclarée aux renards béarnais.

Un peu d'histoire

En 1840, sir Henry Oxenden Bart loue le château d’Aureilhan près de Tarbes où il s’installe avec son épouse, ses chevaux et sa meute. Il chasse le renard pendant deux ans sur le plateau de Ger. À la mort de sa femme, en 1842, il est désespéré et, avant de retourner en Angleterre, il donne l’ordre à son piqueur,
M. Dupont, d’abattre les chevaux, de les donner aux chiens puis de tuer ceux-ci.

L’ordre n’est que partiellement exécuté et douze couples de chiens sont sauvés par M. J. Cornwell qui vit à Pau. Il crée la Société pour la destruction des bêtes fauves, loups et renards, avec les frères Cavendish, le capitaine Shillar, MM. Roussel et Charles Whyte, qui obtiennent "l'autorisation de traverser les communes des environs de Pau".  

(D. Décamps, La vie sportive à Pau de 1900 à 1920, Thèse de 3e cycle, Pau, 1979).

Le premier mastership est assuré par le capitaine Shillar en 1842. 

Pourquoi avoir choisi le Béarn pour pratiques cette activité ? Pau Gazette du 29 novembre 1908 nous fournit quelques éléments de réponse sous la plume de P. Lafond : "Nulle région n’est mieux appropriée à ce genre de sport. Le calme de l’atmosphère, l’absence de vent y permettent de sortir par tous les temps, de courir à travers champs pendant l’hiver, qui n’est ici qu’une prolongation de l’automne bientôt remplacé par le printemps ; le terrain de chasse (…) n’est, pour le véritable cavalier, qu’un charme et un agrément de plus avec ses ruisseaux, ses talus, ses barrières et ses fossés. (…) ses bruyères qui forment litière pour les bêtes et tapis moelleux et ouaté pour les hommes".

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Le Pau Hunt

En 1864, il s’agit d’une société par souscription réunissant les membres fondateurs cités plus haut. En 1875, M. Stewart fonde la Société de Chasse à Courre de Pau, dont le siège social est au Cercle Anglais place Royale, et la dote de statuts. Les membres fondateurs qui paient une cotisation d’un minimum de 400 francs par an en assurent la gestion. Les souscripteurs paient moins de 400 francs et ont uniquement le droit de chasse. Un Comité de six à douze membres est élu en mars par une Assemblée générale,  "l'Honorary Secretary" assurant le travail administratif (cette organisation est semblable à celle du Golf-Club).

Cette même AG élit le Master pour la saison suivante. 

Celui-ci la prépare en s’occupant de la composition de la meute, des montures et décide des parcours. Il y consacre son temps et son argent. Le numéro spécial de La Vie au Grand Air consacré à Pau en 1904 précise son rôle : "Les fonctions du maître d’équipage sont bien plus lourdes encore par le tact, la finesse, la parfaite éducation qu’elles exigent, et seule une haute personnalité rompue aux moindres nuances du code mondain cosmopolite peut les remplir sans éveiller les susceptibilités. Il y faut cette qualité quasi féminine que Balzac appelle la science encyclopédique des riens" rapporte D. Décamps (op. cit).

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On note que les officiers impécunieux de Pau et de Tarbes qui sont les plus "dynamiques" causent aussi le plus de dégâts pour lesquels il faut indemniser les paysans. De plus, les résidents et importants contributeurs de Pau étant minoritaires par rapport aux hôtes de passage, les souscriptions sont insuffisantes et le Pau-Hunt vit au-dessus de ses moyens. Car il s’avère que ce sport est très onéreux.

Par exemple, de 1875 à 1880, il est revenu à une trentaine de milliers de francs : 8 000 pour les piqueurs (qui s’occupent des chevaux), 7 500 pour la nourriture des montures, 4 500 pour celle des chiens, 3 000 pour le loyer du chenil, 2 000 pour les indemnités destinées à rembourser les dégâts causés aux cultures, 1 500 pour l’achat de renards… De plus, il faut renouveler la meute tous les trois ans, ce qui revient à 6 000 francs. Les cotisations des membres s’élèvent à 20 000 francs ; la subvention municipale, de 200 francs en 1868, est augmentée à 1 000 en 1870, 3 000 en 1872, 4 000 en 1875. Elle passe à 10 000 en 1878 et se montera plus tard à 20 000. Le Comité des Chasses garantit alors 50 000 francs si les souscriptions n’atteignent pas ce chiffre. Malgré cela, le déficit dû à la relative modicité des cotisations s’élevant alors à 400 francs est traditionnellement comblé par le Master. Le baron d’Este, MM. Ridgway et Prince font partie des plus généreux, et l’on sait notamment que le mastership de lord Howth pour la saison 1878-1879 lui a coûté
125 000 francs. 

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Lors de la saison 1879-1880, la Société souffre de la concurrence du comte de Bari, frère du roi de Naples et descendant d’Henri IV, qui  organise deux chasses par semaine, le lundi et le vendredi. Il dispose de trente-cinq chiens donnés par sa cousine l’impératrice d’Autriche et d’une écurie de vingt boxes.

Le Mémorial des Pyrénées du 24 avril 1880 rapporte un article de la revue Le Sport prétendant que "c’est avec plaisir que l’intelligent conseil municipal de Pau voit cette meute qui ne coûte rien, tandis qu’ils subventionnent l’autre de plus de 10 000 fr., afin d’attirer, par le sport et la chasse, de nombreux étrangers".  Toujours en opposition avec son concurrent L’Indépendant des Pyrénées, et ardent défenseur de tout ce qui porte particule, il écrit le lendemain que ce dernier quotidien "rend S.A.R. le comte de Bari responsable des tiraillements survenus au sein de la Société des Chasses et des tripotages mesquins dont une animosité personnelle a essayé de le rendre victime". Cela entraîne la démission de M. Stewart et la dissolution du Pau-Hunt en avril 1880. La Ville, qui tient à la pérennité de la Société, prend alors en charge les frais de personnel et de la meute durant l’été en attendant la reconstitution de l’association. L’intervention de James Gordon-Bennett, du New-York-Herald, qui prend en charge le mastership pour deux années et toutes les dépenses, rétablit le Pau-Hunt. Le comte de Bari offre alors sa meute aux chasses de Pau. 

La Société est réorganisée en 1882 après la démission de Gordon-Bennett, trop souvent retenu aux États-Unis par ses affaires. Le maître d’équipage est remplacé par un comité de six membres formé de lord Howth, du baron le Cordier, de MM. Stewart, Jameson, Thorn et Winthrop qui se partagent les responsabilités (Pau Gazette du 26 novembre 1882).

Il est décidé le mois suivant, sous la présidence du baron, que seuls les membres fondateurs de la société auront le droit de vote selon le statuts de 1875 car le Comité de novembre "ne représentait qu’imparfaitement les opinions des membres fondateurs". (Pau Gazette du 31 décembre).

Mais de nouvelles difficultés amènent la société à revenir au système du maître d’équipage – M. Burgess – et à nommer un nouveau comité à la composition diplomatiquement cosmopolite : les Américains Torrance et Winthrop, les Britanniques Taylor et Jameson, les Français Ginot, Guillemin et le prince de Clermont-Tonnerre.

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Le chenil

En 1842, le chenil est installé à Pau. De 1845 à 1847, il est transféré aux Bordes d’Espoey puis, devant la pénurie de chiens, la chasse est suspendue l’année suivante. En 1854, le chenil est déplacé à Lescar jusqu’en 1857 sous le mastership de M. Power puis, de 1857 à 1862, il est transféré à Billère. En 1872, la Société des Chasses prend un bail à loyer de la propriété de M. Léon Borda pour les écuries et le chenil. Il s’agit du domaine connu sous le nom de "Petit Chantilly", route de Bordeaux et chemin Montardon.

Pour 2 000 francs par an payables par trimestre, le bail est de trois, six et neuf ans. À son expiration, le 31 juillet 1881, ni la société ni son comité n’existent officiellement. Ils ne seront reconstitués qu’au mois de novembre 1882. Le maître d’équipage, M. Burgess, demande donc à la Ville de prendre en charge le loyer et de le déduire des subventions habituellement accordées.  Si le propriétaire exige 3 000 francs, après marchandage, à compter du 31 juillet 1881, pour un loyer de 2 500 francs pendant la même durée que précédemment, la société dispose d’une maison, d’une écurie, d’une remise et de granges, de volières, d’un jardin potager, d’un bosquet, d’un chenil et d’autres bâtiments, de prairies, le tout clos par des murs et des fossés (Archives communautaires 1N1/12).

La propriété est rachetée ensuite par miss Cushing et devient le domaine Beverly, avenue de Montardon.

À partir de 1888, Mme Torrance, une Américaine qui a perdu son fils dans un steeple-chase à la Croix de Berny en 1887, offre 50 000 francs à la Ville afin d’installer un chenil "à condition (…) d’en laisser la jouissance à la Société des Chasses au renard" (Journal des Étrangers du 27 novembre 1892).

L’ancien champ de tir de la garnison, d’une surface de 23 hectares, situé route de Morlaàs, est offert par la municipalité. M. Thorn prend à sa charge les 2 000 francs nécessaires pour installer le téléphone.

 

L’ensemble est constitué d’un bâtiment à étage destiné à loger le personnel, de trois grandes loges ouvrant sur des préaux, de cuisines et d’une sellerie. Une loge est réservée aux renards captifs, capturés, importés ou achetés à des paysans. Un nouveau bâtiment qui leur est spécifiquement destiné est construit en 1912, "dans des conditions de confort telles que ces intéressants animaux conservent toute leur vigueur et toute leur agilité" indique le Conseil municipal du 19 avril de cette même année. Une infirmerie pour les chiens et les dix-huit chevaux présents en 1907 est disponible. La meute est nourrie de farine d’avoine, de fish biscuit et d’un peu de viande issue des chevaux âgés, achetés 5 francs pièce ou offerts, puis équarris dans un préau affecté à cet usage. 

La meute est composée de chiens essentiellement issus d’élevages anglais. Si 80 à 100 couples peuvent être théoriquement entretenus, ils ne sont que 39 en 1899, 50 en 1902, 60 en 1905 et 1907, mais ils seront 83 en 1914. Un roulement de trois groupes est établi pour les trois ou quatre chasses hebdomadaires : des meutes de mâles, de femelles et des mixtes. 

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Les chasses

Pour la chasse, la tenue des cavaliers est rouge à col vert, le gilet paille, la culotte blanche et les bottes à revers. Pour le drag (voir plus loin), elle est  entièrement verte. Le bouton doré porte les lettres P.H. entrelacées pour "Pau-Hounds", entre lesquelles passe en courant un renard.

Les dames sont en amazone noire. 

L’équipage est dirigé par le huntsman, muni d’une petite trompette de cuivre dont il se sert pour donner le départ et pour indiquer la direction à suivre aux cavaliers retardataires. Il a sous ses ordres deux whippers, ou whips, munis de fouets dont le rôle est de "maintenir les chiens sur la piste du renard et les empêcher de s’échapper à droite ou à gauche". 

 (D. Décamps op. cit.)

Les chevaux sont sous la direction d’un piqueur, et un employé s’occupe exclusivement des renards. Deux hommes de corvée sont recrutés pour les gros ouvrages. Un break à trois chevaux de front transporte hommes et chiens au rendez-vous. Dans la carriole à renards, les animaux sont placés sous une bâche, chacun dans un sac pendu à un crochet "pour éviter les heurts et les secousses".

(Lord Howth, Les P.H. modernes sous le mastership de C.H. Ridgway esq).

La chasse se prépare dès le 15 octobre avec l’entraînement de la meute qui poursuit un renard de l’année trois fois par semaine. L’ouverture officielle se fait aux alentours du 15 novembre. On sort en général quatre fois par semaine, les lundi, mardi, jeudi et samedi, jusqu’à fin mars. Cela nécessite bien sûr de posséder ou de louer plusieurs montures si l’on veut participe à plus  d’une chasse.

Les rendez-vous sont fixés à 11 heures ou 11 h 45. Pour les lieux éloignés, on part la veille en empruntant le train ou le tramway départemental à vapeur (le P.O.M.). Pour Oloron par exemple, la chasse du 27 février 1897 nécessite la location de trains spéciaux pour cent-cinquante et une personnes, trente-trois chevaux et la meute. 

(D. Décamps op. cit). 

Les chasses se déroulent sur un territoire considéré en général comme n’ayant pas d’équivalent en dehors de l’Angleterre et de l’Irlande, bien qu’à la lumière de témoignages de certains pratiquants il faille nuancer cette opinion. 

Les obstacles qui parsèment la lande de touyas au sol moelleux sont mentionnés comme étant des rigoles, des fossés et des talus, mais aussi des "tombeaux" qui sont  "d'anciens chemins d’exploitation abandonnés, ravinés qui servent d’écoulement aux eaux de la lande (…) Les chemins sont bornés d’un talus de chaque côté et formant des fossés d’environ 3 mètres de largeur sur autant de profondeur, précédés et suivis d’un fossé et d’un talus ordinaire". (Ibid). Les cavaliers sont aussi confrontés à des passages de route en contre-bas et contre-haut, des barrières, des "rivières généralement précédées et suivies de rigoles et de haies avec fossé devant et derrière". (Ibid).  Comme le disait sir Arsheton Smith, "à Pau, il faut souvent jeter son cœur par-dessus l’obstacle si l’on veut que le cheval passe". (ibid).

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Trois territoires sont répertoriés par la colonie britannique. Le "Homme Circuit", le "Leicester en France" et le "Old England". À l’est de Pau, le "Homme Circuit", pratiqué depuis 1884, est limité par des lignes allant d’Artix à Pau, du bois d’Idron à Bordes, passant par Bordes, Morlaàs, Sauvagnon, Mazerolles et rejoignant Artix par un large demi-cercle. Les rendez-vous ont lieu à Lescar, Uzein, Bougarber, Beyrie, Momas et Mazerolles. Mais cette région est considérée comme impropre à une chasse correcte "car il est impossible de voir devant soi" (Lord Howth, Leicestershire in France or the Field at Pau), en raison  de la présence d’escarpements, de coteaux, de petites collines, de vallées, de ravins infranchissables. "Les barrières obscures, les arbres, les branches qui vous arrachent de votre selle, les petites branches qui peuvent vous crever les yeux, les descentes sur des sentiers où le cheval sagace se laisse couler doucement, les marais capables d’engloutir cheval et cavalier, toutes ces difficultés qui s’offrent à vous peuvent être affrontées lorsqu’on a le temps ; mais si l’on suit la meute volante de 1891, (…) le chasseur ne peut imaginer un purgatoire plus terrible" (ibid).  

Le "Leicester en France" ou "Leicestershire", utilisé de la fin du XIXe siècle jusqu’à la guerre, comprend d’une part la région qui va de Pau jusqu’à Ger par Bordes et qui s’étend de Nay à Pontacq. Elle est considérée comme agréable et de premier ordre. D’autre part, le territoire allant de Ger jusqu’au-dessus de Gardères et s’étendant autour du "Homme Circuit" sur une largeur de 10 miles vers Auriac.

Le "Old England", connu depuis 1840, est compris entre une ligne Pontacq-Oloron au sud et la route de Pau à Tarbes au nord. Au départ, un chenil pouvant accueillir quarante couples de chiens est installé à Bordes qui est le rendez-vous central "car il se trouve à 10 miles de Pau, sur les limites des lignes de drag, et dans la meilleure contrée pour la chasse au renard sauvage" (ibid). Une maison y est louée pour les chasseurs, d’autres s’installent dans deux auberges. Puis, les chasses prenant de l’ampleur, la taille des écuries est augmentée. De cet endroit sont organisés quatre jours de chasse coupés d’une journée de repos. 

Sur les trois territoires, on compte une soixantaine de lieux de rendez-vous dont quelques-uns font l’objet de cartes postales. Les chasses, interrompues en 1848, reprennent l’année suivante quand M. Livingston 
ramène d’Angleterre vingt couples de chiens qu’il fait chasser jusqu’en 1854. L’autorisation de traverser les champs est accordée par les propriétaires car cela les débarrasse des renards nuisibles et protège leurs poulaillers. Il faut dire  que ceci s’explique aussi par des démarches diplomatiques menées auprès des maires qui se voient offrir des banquets, et par des relations nouées avec les agriculteurs pour qui sont organisées fêtes et agapes.  Mais cela ne se passe pas toujours de manière aussi idyllique. Ainsi, le 12 février 1882, par exemple, Pau Gazette rapporte-t-elle que "la chasse de mardi a été marquée par un incident des plus regrettables. À Gardères, les paysans ont reçu les chasseurs, leur barrant le passage au moyen de charrettes et les menaçant, armés de haches et même de fusils. Pareille chose n’arrive pas  pour la première fois, les habitants de Gardères étant paraît-il, coutumiers du fait. (…) L’on sait, en effet, que l’équipage de Pau répare généreusement les dommages qu’il cause, et c’est peut-être pour ce motif qu’on lui suscite des ennuis. (…) Nous n’ajouterons pas que ces braves paysans comprennent bien mal leurs intérêts ; ils savent mieux que nous que, sans la colonie étrangère à Pau, ils n’auraient pas le bien-être qu’ils ont et que leur devoir est de favoriser les distractions, surtout lorsque tout dommage est réparé avec une générosité qui parfois même nous surprend". Il est vrai que certains, profitant de la conjoncture, ont des revendications peu raisonnables en regard des dégâts causés. D’aucuns exigent des droits de passage quand d’autre, laissant libre cours à leur cupidité, "rançonnent véritablement la Société des Chasses", nous dit D. Décamps (op. cit). 

La trop grande générosité relevée par Pau Gazette est un encouragement à de telles pratiques et aggrave les exigences. Des clôtures en barbelés font même leur apparition. 

Le même journal enfonce le clou et stigmatise ces comportements dans un article du 14 décembre 1902, faisant apparaître que les agriculteurs de la région profitent sans conteste de la présence de la colonie étrangère. Il parle des "conditions avantageuses au marché de Pau, des volailles, légumes, fruits, laitages etc… du bois de chauffage et de tous les produits agricoles et qui profitent, en outre, presque exclusivement, du séjour des écuries de chasses, des frais de nourriture et d’entretien des chevaux de chasse", qui sont à l’époque au nombre de cent quatre-vingt-douze loués six francs  par jour par des éleveurs locaux. 

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Lord Howth, Master en 1878-79, fait une très intéressante description des chasses au renard car elle est le fait d’un pratiquant d’une grande compétence. Il établit d’emblée que "la contrée de Pau, par ses sinuosités, rend la vraie chasse aux renards sauvages presque impossible (…) Je suis convaincu que les Anglais sans exception n’aiment pas le sport artificiel de Pau, sauf dans quelques endroits choisis" (op. cit). C’est que, à partir de 1848, devant la pénurie de renards sauvages pratiquement éradiqués par une chasse intensive, il faut recourir à des "renards de sac", ou "bagman".  "La chasse au renard était donc avant tout à Pau, un prétexte pour démontrer les qualités équestres des cavaliers et des intrépides cavalières".

(Pau Ville anglaise, P. Tucoo-Chala).

La chasse s’en trouve dénaturée : les puristes s’en désintéressent et retournent en Grande-Bretagne.

D. Décamps (op. cit). note à ce sujet que "pour les Irlandais et les Américains, les difficultés du parcours offraient plus d’intérêt que la poursuite de l’animal, ce qui expliquerait alors la participation croissante des Américains au Pau-Hunt".  Le Master, the Earl of Howth, explique encore l’abandon de la chasse aux renards sauvages par le fait que la  végétation faite de genêts, d’ajoncs et de touyas rend "absolument impossible de penser à jamais trouver des renards" et que le nombre de terriers dans lesquels ils peuvent se réfugier rend leur capture illusoire. Il est donc plus pertinent de pratiquer le drag puis de lâcher un renard captif dont, comme le bouchon de paille et de fumier de renard,  "l’odeur naturelle a été augmentée artificiellement" par quelques gouttes d’anis. Il est alors poursuivi et mis à mort. Lorsque la bête est prise, le huntsman lui coupe la queue (le brush) qu’il remet à la personne désignée par le Master afin de l’honorer. Le mask, la tête du renard, récompense la " fidélité " aux chasses". (Ibid).

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Dans ce type de chasse artificielle, "la voie était tracée  par un piqueur à cheval qui partait au rendez-vous avant l’arrivée des chiens en traînant derrière lui – de là l’expression de drag – une peau de renard, ou de lièvre, quelque fois de simples harengs saurs au bout d’une ficelle, ou même un bouchon de paille arrosé d’essence d’anis", écrit Yves Caillé dans Pau Golf Club, le St-Andrews du continent.

Lord Howth nous en décrit l’organisation par un homme "connaissant très bien le pays [qui] part trois quarts d’heure avant les chiens. Il attache à sa ceinture par une corde de 2 à 3 mètres un bouchon de fumier sur lequel ont couché des renards dont il a ravivé l’odeur avec une goutte d’essence d’anis. À un endroit convenu, il met le bouchon dans sa poche, et supprime par conséquent la voie. Cela forme un check, c’est-à-dire un arrêt qui permet aux cavaliers de souffler un peu. Le dragueur repart alors à quelque distance du check et refait un parcours à peu près égal. Le tout est d’environ huit kilomètres. Maintenant on ne lâche plus de renard au bout du drag comme autrefois ; la piste s’arrête sur le bord d’une route en général et l’affaire est terminée" (op. cit).  Le parcours est choisi par le dragueur de manière à couper les chemins à angle droit, à éviter les terrains appartenant à des propriétaires mal commodes et les champs ensemencés pour ne pas payer de dommages. Il choisit des obstacles "qui ne sont pas au-dessus des moyens d’un cheval ordinaire" (ibid).

Cette chasse au renard "parfumé" est considérée  comme trop facile à suivre car, contrairement au renard autochtone qui connaît "des couverts, des trous, des terriers, etc…, derrière lui, aussi bien que devant à droite ou à gauche" (ibid), le terrain est étranger au captif qui se conduit de manière hésitante et n’ose traverser les cours d’eau. Par contre, comme le piqueur choisit le parcours, il peut satisfaire les amateurs de vitesse et d’obstacles. Ainsi, sous le mastership de M. Maude, les participants sont-ils confrontés à "de terribles passages de route, de hauts talus, des tombeaux (vrais pièges à chevaux), des branches qui enlevaient les cavaliers de leur selle, une barrière fermée à clef dans un sentier étroit (ibid).  

Ces parcours plaisent à ceux qui aiment la vitesse, les Américains notamment, et "a l’avantage de pouvoir faire galoper encore derrière les chiens au mois d’avril, c’est-à-dire à une époque où les renards ne valent rien, ou sont impossibles à déterrer" (ibid). The Earl of Howth n’apprécie pas non plus ce type de chasse : 
" En suivant la voie d’un renard sauvage, les chiens sont disposés à mettre le nez à terre et ensuite à le relever pour s’assurer que c’est bien leur animal ; mais avec un captif parfumé, la meute a toujours la tête en l’air" (op. cit).

 

Pour tenter de revenir à des chasses plus traditionnelles, l’hiver, des carcasses sont déposées pour attirer les renards sauvages, les inciter à s’installer à nouveau sur le territoire et le repeupler. De nombreux terriers naturels sont fermés (les plus profonds sont dynamités) et une cinquantaine de terriers artificiels sont creusés. "Ils étaient construits d’une façon (…) qui permettait au chien de pousser le renard dans un filet à l’ouverture du terrier sans danger de lui faire du mal". (Y. Caillé op. cit). 

De plus, le Earl of Worth fait planter une vingtaine de champs d’ajoncs anglais de 6 à 10 acres de surface au nord et au sud de la route de Tarbes, vers Bordes et la forêt de Bénéjacq, afin que les animaux puissent s’y abriter. Des chemins de 10 yards de large sont fauchés dans les touyas pour faciliter le déplacement des chiens en protégeant leurs pattes des épines. Un chemin plus large est lui aussi fauché pour les chevaux. Ces voies sont rafraîchies deux fois par an. (Les ouvriers chargés de cette tâche sont payés 3 francs la journée eu lieu des 2 habituels). Sur les 140 miles de parcours de drags recensés, 70 sont fauchés et entretenus, les "barrières épaisses" (de hauts talus) sont déblayées et les "trop hauts obstacles sur les routes" diminués, des haies épineuses, des fossés et des barres sont établis pour environ 500 livres par an (ibid).

Ainsi, "l’élite de la société sportive de France se prit-elle à considérer Pau comme la seule localité où l’on peut passer agréablement les longs mois d’hiver, après la saison de chasse à tir" (ibid). C’est pourquoi ces chasses sont régulièrement suivies trois fois par semaine à cette époque (mardi, jeudi et samedi) par soixante à cent-dix personnes  sur un effectif d’environ deux cents pratiquants recensés. 

"Pau est la seule ville de France assez anglaise pour se donner le luxe d’équipages de fox-hounds et les landes qui l’environnent sont les seuls parages du continent où courent à bride abattue, sous prétexte de renard, à travers les ravins et les halliers, des escadrons de jeunes femmes et de gentlemen à favoris blonds ou gris vêtus d’habits rouges. Tous les deux jours, vers onze heures, il y a chasse".

(Bertall, La vie hors de chez soi Comédie de notre temps).

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