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L'Aérostation


///  Texte de Jean-Louis Maffre

Sur le plan national.

Un peu d'histoire

M.
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Les montgolfières
 

Les premiers à faire s’envoler un aérostat à air chaud un « plus léger que l’air » – furent les frères Étienne et Joseph Montgolfier. Selon les sources, ce vol a été réalisé en public à Annonay le 4 ou le 5 juin 1783.

L’aérostat qui s’envole ce jour-là est formé d’une enveloppe de toile d’emballage doublée de papier de 20 m de diamètre et contenant 20 m3. Elle est gonflée par la combustion de 10 livres de paille mouillée et de laine hachée brûlant dans un réchaud de fil de fer. L’engin s’élève d’environ 500 m en dix minutes puis redescend car la fumée et l’air chaud se refroidissant, l’ensemble redevient relativement plus lourd.

D’autres essais débouchent sur le premier voyage aérien de l’histoire réalisé le 21 novembre 1783 par Pilâtre de Rozier et le marquis d’Arlandes qui, partis des jardins du château de la Muette prêtés par le Dauphin, atterrissent sur la Butte aux Cailles.

 

 

Les ballons libres
 

Les premiers emplois des aéronefs utilisant l’hydrogène se font à des fins militaires. D’abord avec des ballons captifs utilisés pour l’observation des mouvements de l’ennemi à partir de 1793, puis comme ballons libres pour faire parvenir des dépêches lors du siège de Condé. Mais ce type d’aéronef n’étant pas dirigeable dépend pour sa direction du sens du vent. En cette occasion, le ballon se retrouve dans le camp ennemi.
Ces appareils seront par la suite utilisés lors de la bataille de Fleurus et du siège de Maubeuge.

Outre leur emploi par les militaires, les ballons gonflés à l’hydrogène ou au gaz d’éclairage étaient utilisés lors d’ascensions scientifiques destinées à étudier l’atmosphère. Parmi les aéronautes scientifiques les plus connus, citons Sivel, Crocé-Spinelli et Gaston Tissandier qui atteignirent 7 300 m d’altitude, ainsi que le frère de ce dernier, Albert

Le siège de Paris par la Prusse en 1870-71 fut l’occasion d’utiliser les vieux ballons disponibles pour tenter de briser l’encerclement, lorsque le vent était favorable, essentiellement pour tenter de faire passer des dépêches gouvernementales et quelques lettres de particuliers.

La première tentative eut lieu avec Duruof (que l’on retrouvera à Pau) le 23 septembre 1870. À partir de la place Saint-Pierre de Montmartre, il décolla sur son vieux Neptune pour atterrir près d’Évreux : la poste aérienne venait d’être créée. 

D’autres démontrèrent la nécessité de disposer d’un matériel plus performant. Aussi la fabrication de ballons de 2 000 m3 fut-elle organisée. Le vol le plus célèbre fut celui que fit le ministre de l’Intérieur, Gambetta, pour gagner la province et organiser la résistance.
Toujours de Montmartre, le 7 octobre à 14 heures, il s’envola avec Spuller sur l’Armand Barbès et gagna Tours d’où il prévint de son arrivée par pigeon voyageur.

 


Les ballons dirigeables

 

Cependant, dès le départ, les aéronautes désiraient pouvoir diriger leurs évolutions et ne plus être livrés aux caprices du vent. C’est pour cela que l’on vit naître des engins munis de rames ou de voiles. Il fallut se rendre à l’évidence, la force humaine était dérisoire et ne permettait pas de se déplacer dans l’air. Ni les roues, ni les hélices, ni les gouvernails mis au point ne pouvaient être mus efficacement par l’homme. 

Le 25 septembre 1852, un ballon dirigeable en forme de navire s’éleva dans le ciel de Paris muni d’un gouvernail en forme de voile et d’une hélice. Il décolla de l’hippodrome par vent assez vif et réussit des
« manœuvres de déviation latérale et de mouvement circulaire ».
Il atteignit la hauteur de 1 800 m, descendit à Élancourt et rejoignit Paris. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous ne pouvons passer sous silence l’existence du premier dirigeable à moteur électrique de Gaston et Albert Tissandier utilisant l’accumulateur électrique de Gaston Planté.

Les montgolfières à Pau

Madame Lartet (juillet 1844)

Dans la première moitié du XIXe siècle, le couple Lartet est célèbre en France pour ses vols en montgolfière. Mari et femme en ont effectué une bonne centaine conjointement. La venue en ville de Mme Lartet nous est annoncée par Le Mémorial du mardi 2 juillet, sans préciser qu’elle est accompagnée de son mari
– qui ne volera pas à Pau – . La première ascension est réalisée le jeudi 11 vers 19 h à partir de la cour du Collège (lycée Louis-Barthou actuel) en présence d’une foule immense amassée aux endroits d’où l’on peut suivre le ballon des yeux.

 

L’aéronef est poussé vers Bizanos et, comme la force ascensionnelle est insuffisante, il accroche les toits qui déchirent son enveloppe. Il chute dans un pré du quartier délimité par les rues actuelles Émile-Ginot et de Bizanos. L’aéronaute est récupérée saine et sauve et ramenée à Pau.

Un second vol a lieu le dimanche 14 à partir du parc Beaumont à 19h. Le spectacle est alors payant, mais beaucoup de Palois ont choisi des emplacements gratuits. L’aéronef plane à une grande hauteur au-dessus du Bois-Louis, passe sur le Gave au niveau du haras de Gelos. Puis, craignant une chute brutale,
Mme Lartet jette l’ancre et se retrouve dans le Gave, de l’eau jusqu’à la ceinture. Elle est ramenée au sec par un pêcheur de Gelos.

Un dernier vol est réalisé le dimanche au départ de la place Henri-IV (Gramont actuelle) devant 8 à 10 000 personnes. Le vent pousse le ballon vers le château mais, comme cette fois encore il n’a pas été suffisamment gonflé au départ, il manque de force ascensionnelle. Par crainte de tomber à nouveau dans le Gave, Mme Lartet jette l’ancre qui s’accroche à un arbre de haute futaie. Heureusement, des soldats du 25ème de Ligne s’élancent à son secours. Au bout de trois quarts d’heure d’efforts, la passagère est descendue sur les épaules du jeune Lambert, domestique de madame Worms de Romilly.
Les sauveteurs seront récompensés. 

Quarante-cinq minutes de sauvetage périlleux pour trois minutes de vol

M. et Mme Goudesone (janvier 1876)

Il faut attendre le mois de janvier 1876 pour voir s’élever dans le ciel de Pau une autre montgolfière.
C’est celle de monsieur et madame Goudesone-Busseuil baptisée Le Mistral.
L’aéronef effectue une première ascension devant une foule considérable le dimanche 2. M. Goudesone décolle de la Haute-Plante et, après un bref survol de la place durant une vingtaine de minutes en direction de l’est, il est ramené dans les arbres qui longent la rue Bayard. Comme le pilote reste accroché dans les branches, quelque Palois compatissants grimpent à son secours pour le faire descendre de sa position critique avant que le ballon ne soit difficilement récupéré.

Le dimanche 9, c’est madame qui est dans la nacelle devant des Palois rassemblés en nombre. Emportée vers le sud, elle fait une descente plutôt rapide qui la ramène sur une saligue entre le ruisseau du Soust et le Gave. Comme madame Lartet, elle se retrouve dans l’eau et peut être secourue et regagner la rive. 

Dans un curieux manque de précisions, un vol de deux montgolfières, le Grand Orient et le Ville de Paris, est annoncé pour le dimanche suivant à partir de la Haute-Plante.
De manière incompréhensible compte tenu de l’intérêt de la population pour ces événements, aucune information ne nous est donnée par la presse locale, ni sur le nom des aéronautes, ni sur ces vols. 

 

On peut noter que pratiquement toutes ces ascensions se sont terminées par des incidents, dans les arbres ou le Gave. Ils s’expliquent par l’impossibilité de décider de son point de chute et du parcours dicté par le vent. Il faut attendre les ballons sphériques pour choisir un tant soi peu son lieu d’atterrissage, mais toujours sur le chemin choisi par Éole…

Les ballons libres

Ces ballons sphériques dont l’enveloppe de coton, de soie ou de tissu caoutchouté, ont un volume allant de 100 à 3 000 m3. L’enveloppe est enserrée dans un filet de 16 suspentes retenant par un cercle une nacelle qui lui est suspendue à l’aide de 8 cordes. Ils sont munis d’une ancre et d’un guide-rope – une corde de chanvre longue de 100 à 200 m – destinée à les ralentir ou à s’assurer la nuit de leur distance par rapport au sol. Des sacs de lest de 18 kg de sable tamisé sont emportés pour reprendre de la hauteur en les vidant lorsque le ballon a perdu de l’altitude. Ils sont gonflés au gaz de ville dans l’usine de Bizanos ou à l’hydrogène sur leur lieu de décollage. Une soupape permet d’atterrir en le dégonflant.

 

Duruof

Le premier aérostat de ce type ayant volé à Pau, le Torino, est « piloté » par Duruof – anagramme de Dufour - dont il a été question lors du siège de Paris de 1870. Son premier décollage a lieu à partir de la Haute-Plante le dimanche 31 janvier 1874 vers 16 heures trente devant un public payant clairsemé.

Il atterrit à la soupape à Gelos au bout d’environ 4 km de vol. 

Le 7 février, le Ville de Calais, un aéronef de 28 m de haut, de 14 m de diamètre et de 1 500 m3 décolle de la Haute-Plante à 15h25 avec son épouse et 3 passagers payants. Il traverse la ville et se retrouve à 2 200 m dans une température de 5°C car il a traversé un nuage de neige. Puis, après avoir jeté du lest car la neige alourdit le ballon, il monte à 2 800 m au-dessus de la plaine de Nay. Duruof décide alors d’atterrir paisiblement après être passé au-dessus du bois de Bénéjacq pour se poser sur la lande d’Hours.

Le voyage a duré 1h36 pour un parcours de 36 km. Une troisième ascension est réalisée le lendemain dans le brouillard et les nuages, sans que la presse nous donne le moindre renseignement sur ce vol. Pas plus qu’il ne sera fait mention d’une ascension rapportée par L’Illustration du 27 février. Avec son épouse, Duruof décolle de la Haute-Plante, plane environ trois-quarts d’heure au-dessus de la vallée du Gave et, après deux heures de voyage, il atterrit vers Hours, à 28 km de Pau. 

Enfin, sa dernière ascension dont nous avons connaissance est réalisée le 4 mars avec des passagers de la colonie étrangère dont on ne connaît ni le nom ni le nombre ! Partis de l’usine à gaz de Bizanos, ils survolent les coteaux de Jurançon puis sont emportés à Maumusson, dans le Gers. 

 

Blanchard

Sa venue à Pau est brièvement signalée par L’Indépendant du 29 janvier 1877. Sur son ballon Le Ville de Bordeaux, le 11 février, l’envol s’effectue à partir de la Haute-Plante avec une seule autre personne à 4h30. Par manque de force ascensionnelle, l’aérostat se pose rue du Lycée. 

 

Godard

C'est l’un des plus célèbres aéronautes de l’époque qui donne des spectacles dans le monde : Etats-Unis, Canada, Cuba…. Il vient à Pau le 10 janvier 1880. À notre grand étonnement, il semble que l’intérêt de la presse pour l’aérostation ait quasiment disparu, ou que des choix éditoriaux qui nous échappent aient fait négliger des événements pourtant exceptionnels à l’époque, surtout concernant une telle célébrité mondiale... 

Godard revient pourtant de janvier à mars 1883 et, surprise, il en est alors fait largement part !

Sur son ballon baptisé Nouveau Monde, il vole le 31 janvier, le dimanche 4 février au départ du parc Beaumont pour atterrir vers Orthez. Le 7 février, au départ de l’usine à Gaz de Bizanos avec 3 passagers pour atterrir du côté de Lembeye après avoir longuement plané sur la ville. Le 11 février, départ de la place Royale, devant une foule payante, avec 3 passagers. Entraîné vers le sud-est, il prend ensuite la direction du nord pour atterrir à Lespourcy. D’autres sorties payantes dont nous n’avons aucun compte rendu sont organisées. Il est en outre fait état d’une ascension de nuit le samedi 24 février à partir de la place Royale avec 3 passagers. Après être passés au-dessus du Bois de Pau, ils retrouvent le sol sur le champ de tir où ils sont recueillis. Un autre vol aurait eu lieu le 27 février en compagnie de 3 passagers. Après avoir survolé Saint-Faust, Arbus et Artiguelouve, ils terminent leur périple dans une prairie près de Monein. Le lundi 5 mars ont lieu les derniers vols de Godard sur Le Nouveau Monde et de Fourcade sur Le Cosmopolite