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La tendance actuelle étant de nommer "sport" toute activité physique de loisir, il nous paraît nécessaire de préciser avant tout ce que l’on entend par ce terme. Il vient du vieux français "desport" qui, d’après Alain Rey, (L’Équipe magazine), signifie "Tourner ailleurs ses préoccupations, se consacrer à quelque chose d’accessoire, qui n’est ni vital ni essentiel". Il s’agit donc d’un jeu, d’un amusement, d’un loisir. Selon une définition plus moderne, il est question de "tout genre d’activité physique ayant pour but la réalisation d’une performance et dont l’exécution repose essentiellement sur l’idée de lutte contre un élément défini : une distance, une durée, un obstacle, une difficulté matérielle, un animal, un adversaire". (Georges Herbert, Le sport contre l’éducation physique, 1946).
J. M. Brohm en précise le sens actuel dans son ouvrage Sociologie politique du sport : "Le sport est un système institutionnalisé de pratiques compétitives, à dominante physique, délimitées, codifiées, réglées conventionnellement dont l’objectif avoué est, sur la base d’une comparaison de performances, d’exploits, de démonstrations, de prestations physiques, de désigner le meilleur concurrent (le champion) ou d’enregistrer la meilleure performance". Cela implique donc entraînement, compétition et mesure des performances.
Qu’il marche ou courre, se déplace à dos d’animal, à l’aide de matériel motorisé ou non, l’homme, immanquablement, fera un sport de ces moyens de locomotion. Il en mesurera le temps et/ou la distance, en évaluera pour certains – ski, patinage… - la valeur artistique à l’aide de critères qu’il rationalisera peu à peu afin d’en ôter tant que faire se peut tout caractère subjectif.
La bicyclette, vélocipède ou bicycle
On note qu’au XIXe siècle, à Pau plus précisément, dès qu’il est nécessaire pour telle ou telle pratique de disposer de matériel, monture ou engin – de la paire de skis à l’avion en passant par le cheval, la bicyclette ou l’automobile – apparaît une ségrégation financière, donc sociale. La pratique de la plupart des sports qui firent la réputation de la ville nécessite en effet d’abord un apprentissage depuis le plus jeune âge, du temps seulement largement accordé à une "élite" oisive bénéficiant de larges revenus, d’importants moyens financiers puisqu’il faut acheter et entretenir chevaux ou véhicules, rémunérer le personnel qui en est chargé, disposer enfin de locaux et d’équipements coûteux. Il en est notamment ainsi pour la bicyclette, alors appelée vélocipède ou bicycle, dont, au tout début, le prix élevé exclut toute pratique populaire, en réservant localement l’usage à la société étrangère en villégiature, britannique notamment.
Seule la lente baisse du prix de ces véhicules en permettra peu à peu la démocratisation qui s’accentua avec le succès du premier Tour de France en 1903. Simple moyen de locomotion, la bicyclette va devenir un sport pour la bourgeoisie paloise dès la création, le 7 octobre 1881, sur l’initiative de MM. Sarradon et Couget, d’un Cercle de vélocipédistes. Son siège est situé au café Gil, 1 rue Bayard. Puis ce Cercle deviendra le Véloce-Club Béarnais. À leurs côtés, dès la première heure, figurent MM. Brugnot, Burgay, Castéra, Poey, Probst, Suberbie et Viviez. La première séance officielle se tient le 14 octobre pour l’élection du bureau dont le président sera M. Probst, le trésorier M. Sarradon et le secrétaire M. Couget. Par la suite, le capitaine Annesley est nommé président et M. Burgay secrétaire. Un oubli ou une négligence des dirigeants du club fera longtemps croire que le VCB a été fondé en mars 1883. Ceci s’explique par le fait que les archives, se fondant sur les seuls documents officiels, ont retenu l’année de la déclaration en préfecture de la fondation de l’association. Il s’avère que ce club auquel appartiennent quelques Anglais, est d’abord palois et bourgeois. Si la cotisation de 12 francs pour les hommes et de 8 pour les dames est relativement peu élevée, mais représentant cependant le salaire de plusieurs journées d’un ouvrier, le prix du vélo à lui seul exclut le petit peuple. Par ailleurs, comme nous l’avons noté pour le golf, l’admission ne se fait que par le système du double parrainage avec vote secret et possibilité de rejet de la candidature.
Peut-être par imitation des pratiques d’une société de laquelle ils se sentent exclus ?
Du 1er août 1885 date le premier numéro mensuel du Bulletin officiel du Véloce-Club Béarnais. En raison de la Grande Guerre, il est décidé par le Comité de cesser sa parution à partir de celui du mois d’août 1914 et de ne plus faire paraître qu’un numéro par an, le 1er janvier. Donc, de 1915 à 1923, soit du numéro 349 au 357, ne parait que le Bulletin de janvier. Il nous informe à la fois de la naissance du club, de son passé, de ses activités et de son programme. Son contenu évolue en partie selon les circonstances : les problèmes rencontrés par le club, ses projets et ses réalisations de pistes ou de bâtiments, ses déménagements, ses emprunts... Il fournit régulièrement le nom des nouveaux admis et la liste de ses membres inscrits au 31 décembre de l’année précédente. Dans chaque revue, il informe en outre ses abonnés des convocations pour les assemblées, annonce les dates et les programmes des "Promenades officielles", les diverses compétitions, donne les comptes rendus des diverses réunions, des sorties et des courses.
Les règles et la circulation
Lorsque, dans le courant du XIXe siècle, apparaissent ces nouveaux moyens de locomotion circulant dans les rues que sont vélocipèdes, automobiles et tramways, naissent d’inattendus problèmes de circulation.
Il devient donc nécessaire, afin d’établir une supportable et paisible cohabitation entre ces nouveaux venus sur les rues et les routes, les véhicules hippomobiles et les piétons, de fixer des règles qui le permettent.
On pense aux trottinettes très contestées dans nos agglomérations actuelles… Cela se fera au niveau départemental par le truchement des préfets et, au niveau national, par le vote de lois publiées au Journal Officiel. La revue se fait donc l’écho des problèmes que l’on rencontre à bicyclette en ville et sur les routes que fréquentent ses membres. Elle émet des vœux et des suggestions pour en rendre l’usage sûr et agréable, ne manquant pas, à l’occasion, de se plaindre auprès des autorités de l’état de certaines chaussées. Elle rend aussi compte des lois et des règlements qui concourent à une plus grande sécurité et donne son avis à leur propos. Par exemple, un arrêté du maire daté du 3 septembre 1896 interdit la circulation des vélocipèdes place Royale, boulevard du Midi, sur la Haute-Plante, les allées et les trottoirs longeant la place des Écoles, les boulevards des Pyrénées, d’Alsace-Lorraine et Barbalat, les avenues de la Gare et du Bois-Louis, les routes de Bayonne, de Bordeaux et de Tarbes, l’avenue Porteneuve, le chemin conduisant aux allées de Morlaàs et les allées du Jardin Public. En outre, il interdit formellement de circuler sur les allées de Morlaàs les dimanches et jours fériés de midi à 7 heures. Le 19 juin 1894, un nouvel arrêté indique que les cyclistes "doivent user aux tournants d’un grelot ou d’une clochette suffisamment sonore pour avertir de leur présence à une distance de 50 mètres au moins". La circulation est interdite sur les allées de Morlaàs de 6 heures à 1 heure et demie.
En 1896, le Bulletin fait état d’un rappel du préfet de la Seine à propos de l’appareil sonore, de l’éclairage et de l’allure de déplacement. Il ajoute qu’il est interdit de rouler en groupe, de couper cortèges, convois et troupes en marche. Il précise ce qui doit être entendu par "allure modérée" : on doit pouvoir s’arrêter dans les 4 à 5 mètres, ce qui signifie qu’on ne doit pas rouler à plus de 10 km/h en ligne droite, à 8 aux carrefours et dans les tournants. Toute course sur la voie publique est interdite. Il est obligatoire de tenir sa droite en croisant tout véhicule et sa gauche pour dépasser. "Les conducteurs de voitures et les cavaliers devront se ranger à leur droite à l’approche d’un vélocipède, de manière à lui laisser libre un espace utilisable d’au moins 1,50 m de largeur". Le 10 décembre 1898, le Journal Officiel indique qu’à compter du 1er mai 1899
il sera obligatoire de fixer sur le tube de direction une plaque de contrôle métallique d’un modèle déposé sur laquelle sont apposés un poinçon et le millésime de l’année en cours. Elle sera délivrée gratuitement
"par le percepteur au vu du récépissé de la déclaration prescrite par l’article 12 de la loi du 28 avril 1893". Cette même loi fixe le paiement d’une taxe annuelle de 10 francs, même dans le cas où le véhicule aurait été acheté en cours d’année. En l’absence de déclaration, cette taxe sera doublée. Une baisse est accordée à compter du 1er janvier 1899, la fixant à 6 francs pour un véhicule à une place, 12 pour un véhicule à deux places, 12 ou 24 selon le nombre de places pour les "vélocipèdes munis d’une machine motrice". Elle sera perçue à compter du 1er janvier 1899. Dernier arrêté et loi dont nous faisons état, le 28 octobre 1901, le Bulletin informe ses lecteurs de l’obligation qui est faite de fixer sur son bicycle une corne d’appel, une lanterne ou un falot et une plaque indiquant le nom et le domicile de son propriétaire.
Les cyclistes sont tenus de circuler à droite, il leur est interdit de rouler de front et d’emprunter les trottoirs, même la bicyclette à la main. Ils devront se déplacer à "une allure modérée" et corner avant d’aborder un tournant. Les allées et promenades sont réservées aux piétons. Tout non respect de ces injonctions sera sanctionné par un procès-verbal et des poursuites devant un tribunal.
Avant que le Bulletin offre cette mine de renseignements sur le club, ses membres et ses activités, la "presse mondaine" comme la nomment les Annuaires des Basses-Pyrénées, parle parfois du Véloce-Club, mais bien moins qu’elle ne le fait pour des sports à ses yeux infiniment plus importants que sont le cheval, le golf et la chasse au renard. Ainsi, Le Journal des Étrangers du 31 octobre 1883 nous parle-t-il du nouveau vélodrome du Véloce-Club Béarnais à proximité des "pelouses pour les jeux des étrangers". Le 14 novembre suivant, il fait état des réunions mensuelles du club. Nous apprenons aussi que des courses de tricycles et bicycles sont organisées sur l’allée sud de la Haute-Plante. Fin mars 1884, il nous informe qu’a lieu un championnat de "bicycles et tricycles" au même endroit (ibid., 2 avril). Puis, le dimanche 6 avril est organisée une course de fond de 48 km, Pau-Soumoulou aller retour deux fois, à laquelle participent notamment sept Anglaises montant des tricycles. Le 12 novembre suivant, ce même journal fait part de l’élection d’un nouveau président, le baron Séguier, et d’un effectif de 129 sociétaires. Celui-ci apparaît très variable d’après les listes publiées régulièrement dans la revue : 42 en 1883, puis une hausse régulière jusqu’en1892 avec 397 noms, jusqu’à 437 en 1894 avant une certaine érosion par la suite. Le dernier chiffre que nous possédons indique 668 membres en 1922.
Les parcours à vélo
Cependant, ce sport n’ayant pas le prestige des sports mondains, la majorité de ses membres sont des autochtones et plutôt spectateurs. Les rares Anglais "n’appartiennent pas à l’élite de la colonie étrangère ; ce sont des gens aisés, mais qui exercent une profession à Pau".
(D. Décamps, La vie sportive à Pa de 1900 à 1920, Thèse de 3e cycle, Pau 1979.)
Les Palois sont rentiers, médecins, artisans et peu sportifs, comme les présidents successifs, le baron Séguier, MM. d’Iriart d’Etchepare, Poyarré et Burgay. "La bourgeoisie paloise aurait choisi le sport comme prétexte à la formation d’un club où elle se sente chez elle" (ibid). Cependant, le fait que les membres se réunissent dans le salon du chalet (dont nous parlerons plus loin) pour y jouer à des jeux de société et y lire des revues ayant trait au cyclisme n’est pas la marque d’une fréquentation particulièrement populaire.
Grâce à la parution du Bulletin, nous pouvons mesurer la variété et la richesse des activités habituelles du club. Des "Promenades officielles" sont organisées mensuellement, annoncées et bénéficiant d’un compte-rendu dans le numéro suivant. G.C. écrit dans le Bulletin n°3 d’octobre 1885 : "N’est-ce point un vrai bonheur que d’être réunis camarades et amis, vélocipédant côte à côte, dévorant l’espace, se racontant les incidents gais de la semaine, respirant à pleins poumons l’air vivifiant de notre beau pays" ?
Ces sorties donnent aux membres du VCB l’occasion de parcourir le Béarn et, par des itinéraires différents lorsqu’on se rend au même endroit, de traverser des dizaines de villages, allant même jusqu’à Bedous et Bagnères-de-Bigorre, Tarbes et Saint-Palais… Il ne s’agit pas à proprement parler de "sport" puisqu’il n’y a nulle compétition ; aujourd’hui, on parlerait plutôt de sorties à "bicyclette" et pas à "vélo"...
C’est une forme de tourisme sous la direction d’un "capitaine de route", l’allure maximum étant de 14 km/h. Les participants s’engagent à suivre les règles de conduite établies. "Tout membre prenant part au tourisme s’engage à obéir de bonne grâce aux instructions du capitaine de route ; il ne peut dépasser sans autorisation spéciale le capitaine de route ou le lieutenant si ce dernier mène le train" dit le Bulletin n° 118 de mai 1895. Pour les localités voisines – Arzacq, Monein, Betharram, Soumoulou, Lembeye et Lagor – elles réunissent dix à vingt personnes. Pour de plus longs parcours vers des lieux plus lointains – Cauterets, Gabas, Saint-Palais, Bagnères… - on prend le train et loge à l’hôtel. Pour Cauterets par exemple, on se rend de Pau à Lourdes en train, puis à bicyclette de Lourdes à Pierrefitte et, de là, on emprunte le tramway pour atteindre Cauterets. La Promenade Officielle des 15 et 16 juin 1901 pour Saint-Jean-Pied-de-Port voit le groupe prendre le train pour Saint-Palais, parcourir les 15 km le séparant du village de Larcebeau, puis les 15,5 km vers Saint-Jean-Pied-de-Port à bicyclette. Après la visite de la localité, les 35 km pour se rendre à Cambo sont parcourus en passant par Bidarray et Itxassou. Le lendemain, le groupe ira de Cambo à Bayonne par Ustaritz. Ces sorties, qui sont l’occasion de faire de bons repas, reviennent donc assez cher et interdisent une participation réellement populaire.
Avec le début de la démocratisation de la bicyclette, considérée alors comme simple moyen de locomotion, disparaît le goût de la nouveauté qui explique en partie l’engouement des premiers temps. H. Petit, dans le numéro 489 de La Vie au Grand Air du 1er février 1908, explique cette évolution en ces termes : "À l’époque où une machine coûtait huit cents francs, les snobs seuls s’en servaient. (…) Plus tard, on s’aperçut que la bicyclette était un merveilleux instrument de promenade et de tourisme. (...) Puis, petit à petit, les prix baissèrent, les premières machines démocratiques virent le jour, encore accueillies avec une certaine défiance par les travailleurs à qui elles étaient destinées. (…) Quelques années plus tard (…) la bicyclette était devenue un instrument de première nécessité, et, par conséquent, se voyait abandonnée de la classe riche, qui entrevoyait déjà l’automobile". Le nombre de membres du VCB diminue donc, passant à 138 en 1901. Devant cette nouvelle popularité du bicycle, des bourgeois, fuyant une promiscuité qu’ils jugent inconvenante, quittent le club. Mais le vélocipède coûtant toujours trop cher, on ne peut encore parler d’une pratique populaire qui se développera plus tardivement.
Dans le semblable objectif de réaliser des sorties touristiques, des Excursions et Voyages au départ de Pau sont régulièrement organisés, notamment pour Bagnères, Bayonne, Gavarnie, Perpignan, Orthez, Peyrehorade, Eaux-Bonnes, Sauveterre, Saint-Christau et la vallée d’Aspe.
Le vélodrome de Pau
En 1886 naît le projet d’implanter un vélodrome à l’angle nord-est du parc Beaumont, "limité par le chemin de Batsalle, la rue Barbalat [boulevard Barbanègre actuel], l’allée des voitures et la rigole (…) au fond d‘une dépression de terrain ayant environ 0,80 m de profondeur et 15 m de largeur moyenne".
(Archives communautaires, 1H1/13).
La demande de concession est acceptée par le Conseil municipal du 19 février car "les courses obtiennent chaque année un plus grand concours d’amateurs et offrent à la ville des avantages toujours croissants".
(Archives communautaires, 1D1/33).
Cependant, cette concession gratuite – 3 francs par an seront toutefois demandés le 18 mars 1890 - ne l’est qu’à titre précaire et sa résiliation éventuelle, dans le cas où la municipalité en exprimerait le désir, ne donnera pas lieu à un dédommagement. Le prix de la réalisation d’un mètre de piste est évalué à 4,67 francs. La construction reviendrait entre 1 500 et 1 996 francs car il faut établir deux ponceaux. Afin de se procurer la somme nécessaire, le club lance une souscription de 50 francs au minimum par personne qui rapporte 2 350 francs. Les travaux débutent en mai et de nombreux problèmes surviennent, qui sont énumérés dans le Bulletin de décembre 1886.
La piste, de forme elliptique, mesure 356 m. À l’époque, le VCB est le seul club de province doté d’une piste à virages relevés. Sous le mandat de M. Vigné, maire, celle-ci est tracée par M. Lalheugue sur un terrain marécageux au nord-est du parc appelé "parc aux huîtres". Elle est composée de 2 lignes droites de 80 m et de 2 demi circonférences de 30 m de rayon. Sa largeur moyenne est de 7 m, de 9 m du côté de l’arrivée.
À l’ouest, se dresse un chalet dont le rez-de-chaussée abrite le logement du gérant, et le premier étage une grande salle de jeu. Elle est précédée d’une galerie de 2 m de largeur. Le bâtiment est bordé de pelouses ceintes de barrières ; cet espace est réservé aux membres du VCB. Au nord-est s’élève un petit bâtiment pour les coureurs et le cantonnier chargé de l’entretien. À gauche, la construction abrite une petite salle commune et trois loges. À droite, deux pièces servent à entreposer les outils. Derrière, une étable abrite une vache utilisée pour rouler la piste et pour son lait "garanti non coupé". Le nord et l’est sont clôturés par un mur, l’ouest et le sud entourés d’une clôture en treillage. Pour entretenir cette piste, il est nécessaire de disposer de beaucoup d’eau. Plusieurs essais sont donc menés vainement et l’on finit par creuser un puits qui sera muni d’une pompe. Cet endroit sera nommé "la fontaine".
L’installation est inaugurée le 17 avril 1887.
D’octobre à juin, ont lieu des rencontres quasiment quotidiennes. On s’y attaque aux records, on y organise des championnats annuels de vitesse et de fond, des entraînements et des compétitions interclubs.
Des engins de toutes sortes y sont utilisés : tandems, quadruplettes, tricycles à pétrole chevauchés par des entraîneurs. (D. Décamps, op. cit).
Ces multiples courses, ouvertes aux amateurs comme à des compétiteurs qui le sont moins, offrent entre trois et six épreuves à chaque fois. Le Bulletin numéro 73 d’août 1891 précise que "les courses auront lieu quelque temps qu’il fasse". Annuellement, depuis 1891 est aussi organisé jusqu’à la guerre le brevet militaire des 100 km sur le parcours Pau – Puyoo et retour. Puis, en 1894, l’épreuve se déroule de Pau à Pontacq
aller-retour deux fois avant d’être organisée sur la piste en 1897.
Depuis 1887, le vélodrome du parc Beaumont accueille aussi des courses internationales : le 9 octobre, Handicap pour bicycles, Juniors sur bicycles et tricycles, International et Honneur sur les mêmes engins.
Des prix en argent allant de 40 à 100 francs sont offerts aux trois premiers de chaque épreuve, sauf pour la course Honneur dont le vainqueur se voit récompensé d’une œuvre d’art. Notons en outre une course internationale de Charité le 12 février 1888… Ces épreuves, conçues aussi comme des spectacles, s’accompagnent souvent de réjouissances et d’autres joutes sportives à visées essentiellement récréatives : courses à pied, à échasses, en sac, des mâts de cocagne, des défis entre cheval et vélo…
(D. Décamps op. cit).
En 1893, la situation du club est considérée comme provisoire en raison du projet Alphand qui fait mention du tracé d’une voie traversant le vélodrome qui obligerait le VCB à un déménagement. Il est cependant prévu un nouveau chalet par M. Cargill, architecte de l’École des Beaux-Arts. Il serait accompagné d’un nouveau bâtiment à côté de la fontaine. Il comprendrait une salle commune, deux vestiaires et une salle de douches. En 1897, on se demande s’il ne faudra pas quitter le parc Beaumont en raison des projets concernant sa réfection et de la construction d’un casino (le Palais d’Hiver). L’élargissement du boulevard Barbalat décidé par la municipalité entraînera un déplacement vers le sud car le virage nord sera amputé. En 1898, le projet d’aménagement du parc Beaumont en Jardin Public englobera le vélodrome, une partie des terrains annexes et des terrains vagues au nord. Il est aussi prévu de tracer une allée carrossable de
1 350 m faisant le tour du parc. Finalement, le 13 novembre 1898, le VCB est mis en demeure de déménager du parc Beaumont.
(Archives communautaires, 1N1/13).
Le 29 juin 1900, le président, M. d’Iriart d’Etchepare, demande la concession d’un espace au Parc de la Gare pour y transférer le vélodrome. Le Conseil municipal du 25 janvier 1901 présidé par le maire,
Henry Faisans, accorde l’autorisation pour la création entre l’avenue Léon-Say et le Bois-Louis d’une piste, d’un chalet, de terrains de tennis, de boules, de croquet, d’autres jeux de plein air et d’un garage pour automobiles pour 30 ans à compter du 1er juillet .
(Archives communautaires, 1D1/38).
" (…) cet emplacement un peu délaissé jusqu’à ce jour deviendra un centre d’attractions et contribuera à conserver à notre Ville son bon renom au point de vue sportif". (Ibid). À l’issue de la convention venant à terme le 30 juin 1931, il y aura "retour à la Ville qui deviendra sans indemnité propriétaire de tous les bâtiments, des plantations et des installations ayant nature d’immeubles". (Ibid.) Il est en outre stipulé que le complexe doit être mis gratuitement à la disposition des écoles de la ville deux fois par semaine.
Le Conseil municipal du 21 janvier décide que la terre issue de l’excavation du Palais d’Hiver sera transportée au Parc de la Gare dans la partie réservée au VCB.
Il est prévu une piste de terre de 350 m sur 7,50 aux virages relevés, des courts de tennis, des terrains de croquet, de boules et de skating. Le Bulletin informe ses adhérents que la dépense s’est montée à
24 046,45 francs dont 1 337,10 pour la piste. Un emprunt est contracté qui sera remboursé de 1902 à 1929. Un chalet est construit par M. François Campagne-Lafitte selon les plans de M. Noutary et coûte
24 000 francs, somme réunie par souscription. Sa première pierre est posée le 27 mai 1901 et il est inauguré le 20 juillet de l’année suivante par le maire, Henry Faisans. L’édifice comprend à l’étage un grand salon, une bibliothèque-salon de lecture et un petit salon pour les dames ; le rez-de-chaussée abrite le logement du concierge, une salle d’escrime et de gymnastique suédoise (Pau Gazette du 9 novembre 1902).
Le parc offre alors deux courts de tennis, deux terrains de croquet et un de boules. La piste de terre mesure 400 m. Le journal se réjouit du fait que "Pau possède aujourd’hui un vélodrome des plus gracieux et des plus beaux de France. Son chalet, un bijou de moderne style dû au talent de M. Noutary, architecte, est des mieux aménagé". (Ibid). Il devient, avec ses terrains attenants, un lieu de réunion et de détente pour les quelques centaines de membres inscrits en 1905. Cette année-là, les virage sont relevés et la piste goudronnée. Les courses attirent les champions français et étrangers ce qui, comme pour les concours hippiques, dissuade les sociétaires autochtones de concourir. "L’enthousiasme est retombé" et, pour la plupart des membres du club, l’on se contente d’organiser des excursions.
(D. Décamps, op. cit.)
Le vélo se démocratise
En 1905, il est décidé, sur l’exemple de bon nombre de communes et de régions de France, de créer à Pau une "Section des Audax français". Il s’agit de parcourir 200 km à l’issue desquels le journal sportif L’Auto décerne une médaille très convoitée. La première sortie officielle est prévue pour le 18 juin sur le parcours Pau – Dax – Saint-Geours-de-Maremne – Biarrote – Puyoo – Orthez et Pau.
Des sorties d’entraînement préparatoire sont organisées avant le départ qui sera donné le 17 juin à minuit. L’épreuve réunit 14 concurrents qui rallieront tous l’arrivée. Mais cela ne se passe pas sans encombre puisqu’on apprend l’existence d’un projet ourdi par quelques trublions qui ont l’intention de semer des clous sur la chaussée à proximité du lieu de départ. Cela exige un changement d’itinéraire : on partira de la route de Bayonne au lieu du tournant Lartigue sur les hauts de Lescar. L’épopée sera marquée par nombre de crevaisons et de pannes. Un arrêt de 20 minutes, vers 10 heures, est marqué à Peyrehorade, puis on s’arrête à Orthez pour le déjeuner suivi d’une sieste. On repart vers 4 heures pour arriver sur le vélodrome après
18 heures de route. Le nom des 14 courageux qui ont bien mérité leur médaille est cité, retenons ceux des trois premiers : MM. Boucau, Fourcade et Isaure.
Il faut attendre les années 1910 pour que la baisse du prix des bicyclettes popularise la pratique de ce sport dont le côté spectaculaire n’a jamais lassé un public toujours aussi nombreux enthousiasmé, nous l’avons dit, par le Tour de France depuis 1903. Des leçons gratuites sont données aux allées de Morlaàs et place Duplaa. Pour l’apprentissage de l’usage du vélo, un vélodrome couvert fonctionne 2 place Gramont.
Et le nombre des marchands de cycle augmente encore : les annuaires régionaux des Basses-Pyrénées font état de 10 marchands de cycles en 1906 et de 13 en 1908, tous membres du VCB à un moment ou à un autre. Parmi eux, MM. J. Apprato dont la boutique est située au 16 rue Montpensier, et Obin, dont les magasins sont au 3 puis aux 9 et 11 rue Bernadotte, font régulièrement et successivement paraître leur publicité en première page du Bulletin. Leur nombre passera à 15 en 1914 parmi lesquels certains organisent des courses sur route. Des clubs populaires sont fondés en 1910 et siègent dans des cafés : l’Union Sportive paloise, le Cyclo-Club Palois et le Club Sportif Palois qui disparaissent dans l’année en raison de la concurrence. L’année suivante naît l’Union Cycliste Paloise qui loue une piste délaissée par le VCB. Plus démocratique que ce dernier, elle organise des épreuves de toutes sortes (courses sur route, cross, interclubs, américaines de six heures, brevet militaire des 50 Km…) ainsi que des sorties touristiques.
La fréquentation alors réellement populaire ne plaît pas à tout le monde, provoquant l’ire municipale : " Leur tenue et surtout leur langage, ont été souvent incorrects, ce qui offre des inconvénients sérieux à cause de la proximité de jeunes filles, des enfants et des dames qui fréquentent les terrains de jeux".
(Bulletin municipal de septembre 1912, in D. Décamps, op. cit).
En 1914, le VCB organise un brevet militaire d’éclaireur cycliste. Le dimanche 24 mai, les candidats doivent passer les épreuves suivantes :
- Tir à 200 m avec un fusil Lebel sur des cibles de 80 cm marquées en 10 zones étalonnées de 1 à 10 points. (Notons avec étonnement qu’un candidat peut être admis alors qu’il n’a mis qu’une seule balle dans la cible…)
- Reconnaissance à bicyclette sur un parcours de 30 à 50 km à 12 km/h de moyenne au minimum.
- Un course cycliste sur route de 40 à 50 km dont les derniers 1 000 ou 1 500 m doivent être parcourus à pied, le vélo à la main. La vitesse moyenne doit être au minimum de 18 km/h.
Jusqu’à la guerre, le sport cycliste est en vogue à Pau et réunit bon nombre de pratiquants et de spectateurs. Dès la déclaration de guerre, il semble que les activités se soient considérablement ralenties (contrairement à celles du club de croquet qui voit ses activités augmenter.) Après la paix, le vélodrome n’est plus exploité et les revenus du VCB lui sont uniquement fournis par la pratique du tennis et du croquet. On peut en effet toujours pratiquer ces sports pour respectivement 0,50 franc et 0,20 de l’heure. Le club se voit supprimer son allocation municipale de 600 francs puisqu’il n’est pas reconnu d’utilité publique.
En 1931, par une lettre du 25 juin adressée au maire, le VCB demande la prolongation de la concession arrivant à terme. Mais le Cyclo-Club Béarnais dépose le 27 sa candidature à la concession et réitère cette demande en 1935 pour 25 ans. Dans une lettre du 25 janvier 1935, le VCB écrit : "Il en résulte que les ressources de la Société sont en grande partie épuisées et qu’elle est par conséquent dans l’impossibilité de continuer à gérer le vélodrome.
Avec tous nos regrets de voir disparaître une Société vieille de plus de 50 ans".
(Archives communautaires, 1M7/3).
Ainsi disparaît le VCB, sans garantie de la municipalité puisqu’il n’est pas reconnu d’utilité publique. Il n’est donc en rien assuré de continuer à bénéficier de la disposition du vélodrome. En effet, le Conseil municipal du 13 octobre 1936 en accorde la concession au Cyclo-Club Béarnais pour 25 ans aux fins de reconstruction. Mais la municipalité ne peut légalement donner sa garantie à l’emprunt demandé car le club n’est pas lui non plus reconnu d’utilité publique. Une convention en 18 articles accordée par le Conseil municipal du 29 mars 1938 est reconnue par arrêté préfectoral du 15 avril 1938.