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Barroso Philippe


///  Texte : Claude Jouanserre

Né le 1er août 1955 à Pau, Philippe Barroso est sûrement le meilleur skieur que la cité du bon roi Henri a produit. C’est à 5 ans et un peu par hasard qu’il commence le ski, grâce à son père sportif accompli, qui l’a initié. Le jeune Philippe s’essaie aussi au vélo, au tennis et à la voile, mais ce sont les pics montagneux qui ont son attirance. Il va se licencier au club de Pyrénéa Sports de Pau et très vite les spécialistes se rendent compte que ce gamin présente un potentiel intéressant. Ce dernier admire la championne locale de l’époque, Annie Famose, qui était une locomotive pour les jeunes, mais jamais à ce moment-là il ne pense un jour être sélectionné en équipe de France. En grandissant il remporte des courses régionales, qui l’incitent à tenter d’aller plus loin.

Champion de France à la surprise générale

Le club décide alors de l’inscrire aux championnats de France minime (coupe Perrier), qui se déroulaient à Chamrousse et parrainés par un certain Michel Jazy. Inconnu dans le monde du ski, il arrive au milieu de tous les jeunes de son âge, tous issus de clubs huppés des Alpes, où personne ne le prend au sérieux. La plupart ont déjà un entraîneur personnel, des équipements de haut de gamme, ce qui n’est pas le cas de Philippe, dont le coach n’est autre que son père et qui n’a qu’une paire de skis. « C’est comme si un parisien vient chez nous pour jouer au rugby ou à la pelote », plaisante-t-il aujourd’hui. Le jour de la course tout le monde le regarde avec curiosité, au moment du départ certains sont prêts à attendre le moment où il va tomber, ou qu’il va faire un chrono ridicule. Seulement, quelques minutes après s’être élancé et lorsqu’il franchit la ligne d’arrivée, il a le meilleur temps et personne ne fera mieux que lui. Il devient champion de France devant les « Alpins », qui se demandent qui est cet extra-terrestre venu des Pyrénées. Dès lors, la marque « Dynamic » décident de l’équiper car ils sentent qu’ils ont un futur grand et il rejoint l’équipe de France espoir.

Les études par correspondance

Dès lors, c’est le début d’une grande aventure qui commence. Il remportera 17 titres de champion de France (minime, cadet, junior et senior) de slalom spécial et slalom géant. Un problème s’est quand même posé, c’est celui des études que ses parents souhaitaient qu’il poursuive. Il était élève au lycée Louis Barthou de Pau, mais il devait aller s’entraîner dans les Alpes. Tous ses partenaires d’alors avaient quitté le cursus scolaire dès le BEPC passé, c'est-à-dire dès la fin de la troisième. Il a alors été décidé qu’il prenne des cours par correspondance, à l’époque il était le seul sportif français à le faire. C’est ainsi qu’il a obtenu son bac. Pour en revenir au ski, malgré son jeune âge, de temps en temps il s’entraînait avec l’équipe de France seniors, histoire d’acquérir de l’expérience. Il faut se souvenir qu’à la fin des années 60 et le début des années 70, les skieurs français étaient les meilleurs au monde. Seulement, un élément très important va se dérouler le 9 décembre 1973 à La Foux d’Allos, où l’équipe de France décide de faire grève.

En coupe du monde à 17 ans

En effet, à ce moment-là le ski devenait professionnel dans certains pays comme l’Autriche, l’Italie et la Suisse notamment. La Fédération Française de Ski refusait de reconnaître ce statut à ses skieurs qui étaient entièrement amateurs, et qui ne touchaient pas un seul centime. Dans le même temps, un circuit professionnel venait de voir le jour aux États-Unis. C’est ainsi que les champions de l’époque : Henri Duvillard, Jean-Noël Auger, Patrick Russel et tant d’autres, ont été renvoyés de l’équipe de France. Par effet domino, il a fallu les remplacer et c’est ainsi que sans préparation psychologique et sans expérience, Philippe Barroso, 17 ans à ce moment-là et d’autres espoirs du même âge, se sont retrouvés dans le grand bain mondial. Du jour au lendemain ils ont été mis dans le grand circuit de la coupe du monde. Totalement inconnus, ceux-ci débutaient leurs courses en troisième série, c'est-à-dire très loin après les vedettes de l’époque, mais surtout ils devaient skier dans une neige complètement démontée par les nombreux passages précédents.

La presse pas tendre

Autant dire que les résultats n’étaient plus au rendez-vous, malgré la très belle 9 ème place aux championnats du Monde de Saint-Moritz en 1974, qu’obtient Philippe Barroso. La presse a commencé à critiquer les jeunes français, à dire qu’ils n’étaient pas bons, etc., ce qui ne fait pas plaisir et qui sape le moral quand on a 17 ans ! Trois ans après la première sélection nationale, ce sont les Jeux Olympiques qui se déroulent à Innsbruch en Autriche, le pays fou de ski. La presse est toujours critique envers ces jeunes dont fait partie Philippe Barroso, qui se souvient d’une anecdote qui résume l’état d’esprit des médias envers les Bleus : « Entre les deux manches du slalom géant, le club Med avait une discothèque en bas des pistes et comme nous étions en plein jour elle n’était pas en fonction. Les responsables ont décidé de nous l’ouvrir après la première manche, afin que nous puissions aller nous restaurer et nous reposer au chaud, en attendant la seconde manche. Des photographes de presse ont appris que nous étions dedans, ils sont venus prendre des photos et le lendemain dans la presse on pouvait lire que les Français étaient en boîte de nuit la veille de la course ».

Champion du monde pro

En 1977, Philippe Barroso décide alors d’arrêter le ski, enfin plutôt de quitter l’équipe de France et de faire comme les anciens de l’époque, rejoindre le circuit professionnel. C’est ainsi qu’il part pour les États-Unis, où il rencontre un promoteur qui lui propose d’intégrer l’équipe autrichienne de la marque « Atomic ». Pendant quatre ans, il va passer d’un monde amateur et de débrouille, à un monde hyper organisé, où il n’a qu’à s’occuper de skier, tout le matériel lui est fourni gratuitement. Il va devenir champion du monde professionnel par équipe, avec deux autrichiens, un suisse et lui-même. Il sera le premier skieur français à évoluer avec des skis autrichiens, qui étaient les meilleurs à ce moment-là. Il va arrêter en 1982, il n’a pourtant que 26 ans, car le monde amateur en général se met à rémunérer ses sportifs et le circuit pro n’a plus de raison d’être. Quand on lui demande s’il a été tenté de revenir en équipe de France, sa réponse est nette : « Non, ça ne m’intéressait plus, j’ai arrêté complètement le sport, je ne l’ai repris que 20 ans plus tard ». Actuellement agent immobilier à Gourette, il a tourné la page du ski depuis qu’il a arrêté sa carrière.

 

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